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Plume de Nat
20 novembre 2011

Fuite en avant

Elle posa à terre sa valise, c’était une valise encombrante, bien plus lourde que celles qu’il utilisait habituellement pour ses déplacements. Elle avait décidé ce soir là vers 22H de tout quitter, avait ouvert son dressing, jeté en vrac tout ce qu’y s’y trouvait, s’était dirigée vers la gare, avait acheté un billet pour le premier train qui passait par là, avait chargé cette énorme valise, et s’était assise.

Elle observa la ville disparaitre par la fenêtre puis finit par s’assoupir. Elle n’avait plus de pensée pour quoi que ce soit.  Son seul désir, le silence, le calme. Le train l’avait secouée la nuit durant, effaçant tout ce qui avait imposé sa fuite. Au petit matin, elle s’était retrouvée bien loin de chez elle dans un lieu inconnu, un désert industriel, ancien royaume de quelques familles embourgeoisées. Des wagons abandonnés avaient été tagués par d’illustres inconnus. Les herbes hautes, encore givrées, fondaient au soleil levant. Elle avait oublié que n’importe où, ce pouvait être ici aussi. la-valise-640x4801

Elle s’extirpa de son siège, secoua son corps endolori comme pour le réveiller. Elle hésita une seconde avant de descendre du train. Mais le terminus lui imposa de décharger sa valise encombrante. Elle la traina le long du quai, un vent frais la traversa. Le bruit des roulettes sur le quai retentissaient dans cet immense espace vide. Le soleil, rayonnait à peine entre les nuages. Comme certains jours chez elle, où le soleil joue à cache-cache avec son humeur.

Il était 6h25, elle savait que chez elle, les choses allaient démarrer, dans une heure, on se rendrait compte de sa fuite, dans une heure, son téléphone commencerait à sonner, dans une heure, elle aurait perdu toute cette liberté. Mais elle savait qu’elle avait encore une heure.

Elle longea la gare, cet immense bâtiment crème, qui ressemblait vaguement aux gâteaux de son pâtissier, imposant et vide, son horloge qui depuis longtemps avait oublié de marquer l’heure, et ses immenses yeux de verre mi clos à cette heure ci. Elle entra par l’un d’entre eux dans un grincement de porte bien connu des lieux inhabités. La pièce haute sous plafond, était éclairée par deux grands lustres poussiéreux, sans odeur particulière qui aurait pu la faire fuir ou l’attirer. Quelques tableaux d’affichages vides, de ci de là, des panneaux publicitaires sur lesquels les affiches ventaient les mérites d’objets désuets, un panneau central avec le nom d’une ville inconnue, et dans un coin, une simple porte vitrée, au dessus de laquelle était inscrit, en néons défectueux, café.

Elle se dirigea vers la porte, la poignée tourna difficilement, et la porte s’ouvrit. Elle entra dans la place et reconnu le parfum bien connu de ces bars fréquentés aux heures de lycée, l’odeur de percolateur et de cigarette froide se mélangent à celle de quelque urinoir mal nettoyé. Un homme était assis au comptoir, un autre fin et moustachu essuyait des verres, un cigarillo en bouche, comme si les lois n’étaient jamais parvenues jusqu’à lui… Elle tira une chaise et s’assit à une table mal nettoyée. Sans s’en apercevoir, elle posa son avant bras et fut collée instantanément à celle-ci. Elle tira violement pour décoller son manteau, se déséquilibra et manqua de tomber de sa chaise. L’homme assis au comptoir, pouffa. Il pouvait l’observer dans ces immenses miroirs jaunis années 70 qui se trouvaient derrière le bar. Elle l’entendit, mais ne le vit pas. Le garçon de café se dirigea vers elle. Et dans un nuage et une toux lui dit ‘’ Et pour la chtite dame ce s’ra ?‘’ ‘’ Un café et un croissant s’il vous plait» répondit-elle, il passa une éponge sale sur la table et s’en retourna derrière le comptoir. Une fumée et un bruit violent sortirent du percolateur. L’homme assit au comptoir sorti en silence. Celui au cigarillo lui apporta son café et son croissant posé sur une serviette en papier blanche dans une petite corbeille en osier. Elle but son café et mangea son croissant. Elle eut un léger pincement au cœur de penser que les bruits et les odeurs si familiers qu’elle avait fuit puissent être remplacés par çà. ‘’Çà fera 2 euros’’ dit l’homme qui finirait sa vie ici. Elle déposa l’argent sur la table dans un fracas de petites pièces, et se dirigea vers la porte.

Elle sorti du gâteau, et s’assit sur le seul banc du quai. Il ne lui restait que 10 minutes avant qu’on ne s’aperçoive de sa fuite.  Elle commençait à s’affoler, pourquoi ce coups de folie, pourquoi avoir tout plaqué ainsi, pourquoi fuir, et pourtant, ce silence, quel plaisir, quelle jouissance que de pouvoir inspirer, souffler, et relâcher tout son corps à cet instant. Une larme coula sur sa joue comme si elle savait que son erreur pouvait lui couter cher, comment faire demi tour désormais, comment revenir en arrière, comment souffler aussi. Eux, ils la pardonneraient, même si pour un instant la peur les ferait se tenir sage mais lui, pourra t il la pardonner, saura t il la pardonner, et comprendra t il sa fuite? Décidément non, elle ne pouvait pas faire demi-tour. L’homme assis au bar, se dirigea vers le banc, il sortit de sa poche un mouchoir et le tendit à la femme. Surprise, elle leva les yeux, et se jeta dans ses bras. Il avait su qu’en fuyant, elle n’oserait jamais revenir, elle ne reviendrait pas, alors, il l’avait suivie, silencieusement, il s’était assis, et avait veillé sur elle comme sur la prunelle de ses yeux. Il voulait voir jusqu’où serait-elle capable d’aller? Le coin de la rue? Le coin de la ville? Plus loin? Il l’enlaça, lui apposa un baiser dans le cou, puis sur la joue et l’embrassa enfin fougueusement. Elle se laissa fondre dans ses bras. Elle avait compris que rien ne pourrait remplacer leur amour, quelque soit ce qu’ils pourraient traverser. Son téléphone sonna, un train siffla au loin, le soleil avait réussit à déchirer les nuages, les hautes herbes étaient désormais recouvertes de rosée, et leur train arriva à quai.

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