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Plume de Nat
6 mars 2012

La nouvelle: Fumer tue, chapitre 1 : Le vieux Monsieur

Il tira une blonde de son paquet, s’assit, l’alluma et la grilla. Il faisait ce geste une quarantaine de fois par jour depuis une cinquantaine d’années. Il était devenu pour lui aussi familier que de manger ou de respirer. Le temps était maussade ce jour là. Quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber.

 Il venait de finir de tondre la pelouse et avait rangé sa tondeuse comme tous les mardis. Le vieil homme une mèche blanche sur ses yeux verts, le teints halé, était encore athlétique pour son âge. Il se leva et se dirigea vers la porte d’entrée de la maison, entra, alluma le plafonnier, ôta ses chaussures et enfila ses chaussons.

 La maison était telle que sa mère la lui avait laissée. De ces maisons construites pour les cadres des mines, toutes identiques, mitoyennes deux par deux, et alignées à perte de vue. Il avait juste ajouté un poil à bois au garage, question de confort et d’économie certainement. La tapisserie de l’entrée était défraichie, mais vu le peu de visite que le vieil homme avait, cela n’avait pas d’importance à ses yeux. Quelques vieux cadres photos le représentaient enfant, lui et sa mère. Une odeur de tabac jamais froid flottait dans la maison. A droite, un grand escalier en bois montait au premier étage, vernis en pin, il avait une légère tendance à glisser. Plus jeune, il passait son temps à descendre bruyamment cet escalier, faisant dire à sa mère, un jour tu te rompras le cou.

Un peu plus loin, une porte donnait au garage, le sol était recouvert de lino. Les murs en parpaings y étaient toujours frais. La voiture de sa mère était toujours garée là, une vieille polo, classée voiture de collection, dont l’embrayage était toujours sur le point de céder suite aux mauvais traitements subis. Au fond, deux vieux buffets servaient de garde manger, histoire qu’en cas de guerre on ne manque de rien. Une machine à écrire trônait sur un socle de machine à coudre. Et une table servait à poser tout ce qui pouvait passer sous la main, et dont on ne savait que faire.

Sur la gauche, un infime couloir, donnait à la cuisine, suffisamment grande pour y manger à deux et au confort sommaire, mais suffisant.

Face à la porte d’entrée, une porte vitrée de carreaux bullés en verre jaune donnait accès au salon salle à manger. Une grande table y trônait de l’époque ou sa mère recevait encore. Un canapé siégeait à gauche, et un grand buffet à droite. La tapisserie était coquette, pour une vieille femme certes, mais pas pour un vieux monsieur, de grosses roses roses, délavées mais encore fraiches s’étalaient sur les murs et le canapé. Au sol un tapis tissé main répétait ces fleurs.

 Au fond, une baie vitrée donnant sur un jardin. Jardin qu’il se faisait un devoir d’entretenir comme le faisait sa mère. Plus loin des champs puis des bois à perte de vue.

Il monta à l’étage, manquant de glisser dans l’escalier, il se rattrapa à la rambarde. Son chat léchait le parquet comme à son habitude. Mais il n’aimait pas que la bestiole ne mange autre chose que ses croquettes. Il remit la blonde dans son paquet, et descendit le tout au garage, les posa sur la table, finit la besogne, et rechargea sa chaudière à bois.

Il passa dans la cuisine, alla se laver les mains, puis sorti une poêle, attrapa le foie stocké dans le frigo, l’assaisonna d’ail et de persil comme à son habitude, but une gorgée de rouge, en le retournant. Sorti une assiette s’installa à table, découpa une tomate fraiche dont la pulpe gicla, l’arrosa d’huile et de vinaigre, la saupoudra de sel. Il se leva, baissa le feu, commença à manger la tomate le temps que sa viande cuise. Il éteignit le feu, fit glisser le morceau dans son assiette, posa la poêle dans l’évier, s’assit puis mangea. Il attrapa le fromage qu’il avait posé sur la table, se coupa une grande tranche de pain et savoura le tout avec le reste de son vin. Saisit une pomme, croqua de tout son dentier dans celle-ci, et laissa tomber la queue dans son assiette une fois la pomme finie.

Puis il fit la vaisselle, jamais la taille de sa cuisine n’aurait permis d’y installer un lave-vaisselle. D’ailleurs seul, il n’en voyait pas l’intérêt. Il attrapa un torchon et commença à essuyer et ranger ce qu’il venait de laver. Il se fit couler un café, il tira une blonde de son paquet, s’assit, l’alluma et la grilla. Il tapota son paquet vide, et sourit, l’inscription fumer tue en noir encadrée sur celui-ci le faisait toujours sourire.

 Il sortit un petit carnet de la poche, tira le stylo retenu par la spirale, tourna quelques pages et inscrivit quelque chose sur une nouvelle page, il rangea son stylo, referma le petit carnet, et le glissa dans la poche intérieure de son veston.

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