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Plume de Nat
10 novembre 2011

Faux semblant

Bernard s’était finalement assis au sommet du train, comme si sa vie devait s’achever la…Il ne lui restait d’humanité que sa bouteille d’eau minérale ou de pisse, son sac breton qui pouvait lui laisser espérer quelques grâces dues a l’identification de ses pères ou n’était ce finalement qu’une sorte de fourre misère. Son humanité c’était son mouchoir, ce mouchoir dans lequel il éteignait peu à peu son mal envers et contre tous…il avait tenu à garder cette dignité ce mouchoir que sa mère avait brodé pour lui quand il était enfant. A cette époque la, pour les plus pauvres, les mouchoirs étaient de vastes espaces de tissus coupés dans des draps, a qui la reprise ne pouvait plus rendre leur utilité, et rebrodés a la main pour leur donner une âme et un propriétaire. Bernard tenait à ce simple bout de tissus comme a la prunelle de ses yeux… Sa mère, cette femme qui avait tant fait pour lui, l’avait protégé de tout ou presque. Elle l’avait protégé de son père, elle avait filé vers le divorce dans un temps ou celui-ci n’existait pas, et saigné sang et eau pour subvenir a ses besoins,  cette femme a qui il devait tant et finalement, qui n’était plus pour abriter de son aile affective son unique fils chéri. Avait-il sombré a la perte de sa mère, au départ de sa femme, celui de sa fille, celui des autres femmes de sa vie qui sont passées sous silence, mais qui lui avaient tant apporté en cœur et en esprit….

Sa robe s’envola dans le vent elle eut peur un instant d’être repérée par Bernard. Elle observait cet homme assis sur les marches de ce pont ferroviaire, comme si leur passé commun était délibérément remonté en elle.

Le cliquetis du vélo leur fit tourner la tête, se souvenait-il du temps ou il lui avait appris a monter cette indomptable bestiole, a moins que ce ne fut son père a elle qui se chargea de cet apprentissage, dans ce détour de regard, il aurait certainement su, lui qui vendit des chaines hifi et des aspirateurs, comment, mettre a profit ses talents de mécaniciens moyennant quelques pièces et leur éviter ce cliquetis répétitif. Mais la hargne commerciale de Bernard, n’y était plus. La musique ne l’avait pas plus atteint, le groupe de jeunes et leur chaine hifi de poche ne le fit même pas réagir. Le flot continu des voitures et de leurs klaxons n’avaient non plus d’effets. Le frou frou de quelques pigeons se prenant pour des colombes le fit sourire...ah cette mélodie de paix, que ne l’avait-elle entendue enfant !

Il avait aussi perdu ses lunettes, a croire que celles-ci ne lui étaient plus utiles pour reconnaitre qui que ce soit. Ses ongles étaient coupés depuis peu et ses mains nettoyées de sa douche humanitaire. Son cheveu autrefois si touffu et si noir avait laissé la place a cette masse sans forme et sans couleur, celle des personnes dont le temps a volé la couleur. A l’abri du soleil il avait choisi son emplacement, protégé des piétons, pour vivre ces quelques heures de répit que lui offrait la fin de matinée, avant les heures chaudes de la journée. De ces quelques heures qui lui permettrait de se réchauffer de cette nuit que les parisiens ont ressentie caniculaire, et lui si froide. Le fracas des trains ne semblait en aucun cas le perturber, les passants attrapaient du regard, le moindre train s’éloignant, comme s’ils pouvaient avoir pour eux un quelconque intérêt hormis le fait de leur enlever un peu d’audition. Bernard, dans ce fracas  semblait attendre, assis la, la mort…

Elle s’approcha de Bernard….mais ses yeux noirs vieillissants n’auraient jamais pu remplacer les yeux verts de son Bernard…

L’homme se leva, il prit dans sa poche cet objet qui la sortie de ses rêves. ’’ Allo? Oui…’’….il ramassa sa bouteille, et but une gorgée et repris sa conversation en s’éloignant, toute sa dignité regagnée…

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